Pénuries : l’éternel recommencement
Chaque rentrée a ses grands chantiers, mais certains dossiers s’invitent avec une régularité déconcertante. La pénurie de médicaments en fait partie. Antibiotiques, anticancéreux, traitements chroniques : les ruptures d’approvisionnement se répètent, au point de devenir la nouvelle normalité.
L’Europe a fini par réagir avec un projet de « Critical Medicines Act ». L’objectif est clair : sécuriser la production, renforcer les stocks stratégiques, diversifier les chaînes d’approvisionnement. Sur le papier, tout y est. Dans la pratique, les patients et les pharmaciens savent que les promesses européennes ne remplissent pas les rayons des officines.
Au Parlement fédéral, Écolo-Groen a voulu enfoncer le clou en déposant une proposition de résolution (lire en page 12 et suivantes). Le texte pointe les pénuries comme une menace directe pour la santé publique et demande des solutions concrètes. Parmi elles, une meilleure intégration numérique grâce au projet Vidis.
Vidis… Ce vieux serpent de mer de la politique belge. Ou plutôt ce monstre du Loch Ness : on en parle depuis dix ans, on jure qu’il existe, mais personne ne l’a vraiment vu fonctionner. Certains me jugeront sévère, mais j’ai vécu l’évolution de ce dossier, j’ai été témoin des dissensions, des guerres de clochers. In fine, ce projet, Censé relier prescriptions, schémas de médication et données de suivi, reste pour moi à l’état de promesse inachevée. Pourtant, bien utilisé, il pourrait devenir un outil stratégique pour anticiper les ruptures et mieux gérer les stocks.
Car les pénuries, ce n’est pas une affaire de Bruxelles lointaine. C’est un problème quotidien, vécu au comptoir. Chaque ordonnance non délivrée dans son intégralité, chaque solution de fortune bricolée, mine un peu plus la confiance dans le système.
La question de fond reste la même : voulons-nous rester dépendants d’une poignée de sites de production en Asie, ou investir pour que l’Europe, et la Belgique avec elle, puisse redevenir un acteur crédible de la chaîne du médicament ? (lire l’avis de Caroline Ven, de Pharma.be en page 8).
Il ne suffit pas d’annoncer un grand plan. Il faut une stratégie claire, des moyens financiers, et surtout une volonté politique de traiter la question comme une priorité de santé publique. Les pharmaciens le savent : sans médicaments disponibles, ni prix ni digitalisation ne tiennent debout.
La morale est simple : la souveraineté pharmaceutique ne se décrète pas, elle se construit. À défaut, nous continuerons à vivre au rythme des ruptures, en recyclant éternellement les mêmes explications.