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« N’ayez pas peur d’être médecin vigie »

Médecin consultation
© Getty Images

ÉPIDÉMIOLOGIE

Dans notre dernière édition (JDM n°2796), la Dre Sherihane Bensemmane partageait son expérience de coordinatrice du Réseau des médecins vigies et incitait les médecins à rejoindre le réseau. Dans cette édition, le Dr Benjamin Michel, jeune médecin généraliste qui pratique dans la maison médicale du quartier des Arsouilles à Namur, explique son vécu de médecin vigie pour Sciensano, poste qu'il occupe depuis un an.

Le journal du Médecin: Pourquoi avez-vous voulu devenir médecin vigie ?

Dr Benjamin Michel : J’ai toujours vu le médecin généraliste à la fois comme un praticien très au contact des patients et dans le soin individuel, et comme un agent de santé publique avec des responsabilités à l’échelle de la société. Pour prendre un autre exemple que le réseau vigie, je trouve que les médecins généralistes ont une responsabilité à prescrire des médicaments uniquement quand c'est nécessaire, à utiliser les moyens de la société de manière juste etc. Dans cette optique, je trouvais que la fonction de médecin vigie était intéressante pour participer à cette veille despathologies infectieuses et pouvoir anticiper et préparer des actions de santé publique. 

Par ailleurs, il faut dire que j'ai commencé ma carrière dans le contexte particulier du covid et que ça a peut-être aussi jouer un rôle. Là, on a vu à quoi ça sert d'envoyer ce genre d'information aux organismes de santé publique et comment ça peut nourrir des actions ciblées. Je me suis dit que quand j'aurais quelques années de pratique, j’y participerais. Ça fait un an que je suis médecin vigie.

Comment devient-on médecin vigie ?

C’est vraiment très simple : on remplit un formulaire en ligne où on indique où on travaille, en groupe ou en solo etc., on reçoit un mail de confirmation et on est inscrit.

Ensuite, on collecte des données sur les syndromes grippaux/IRA et diarrhée, les IST, la varicelle/zona, les morsures de tiques et les planifications anticipées des soins. Et, si on le désire, on participe à la surveillance virologique en réalisant des frottis chez les patients qui ont des symptômes grippaux. 
À part la surveillance des IRA qui se fait de façon hebdomadaire, les autres items sont plus sporadiques, on les renseigne quand on a un cas.

En pratique, ça vous prend globalement plus de temps en hiver ?

Oui, par rapport aux frottis, c’est sûr. Mais, franchement, être médecin vigie n’est pas très chronophage parce qu’à côté des thématiques suivies au cas par cas, compter le nombre d’IRS/semaine est facile : sur mon bureau, j’ai une feuille A4 sur laquelle je mets une barre chaque fois qu’un patient qui présente ce diagnostic sort de mon cabinet et, à la fin de la semaine, je vais sur le site web pour y noter mes chiffres. Ça me prend royalement une minute par semaine. C’est une habitude à prendre.

Faire les frottis est plus énergivore et chronophage : il faut expliquer la procédure aux patients, leur faire signer le formulaire de consentement, faire les prélèvements etc. En hiver, quand on est chargé en consultation, ça peut être plus compliqué. Mais il n’est pas obligatoire de faire ces prélèvements pour être médecin vigie. Si on désire les faire, Sciensano nous envoie une boîte avec le matériel d’échantillonnage et les formulaires à faire signer.

Quels sont les points positifs et négatifs de ce rôle de médecin vigie ?

Pour moi c’est un avantage. Ça peut paraître anecdotique mais quand on fait des frottis grippaux, le résultat arrive trois semaines après, les patients sont guéris, mais je trouve que c'est intéressant pour affiner notre sens diagnostique.
De plus, on a accès à des formations réservées aux médecins vigies. On reçoit un bulletin annuel qui permet de voir le profil de notre patientèle et de pouvoir mieux communiquer sur les symptômes grippaux…

Enfin, je ne le fais pas pour ça, mais une rémunération est prévue. Je suis principalement motivé par le côté santé publique. En tant que médecin généraliste, c’est chouette de ne pas juste se concentrer sur les soins individuels mais de pouvoir aussi avoir une action collective. J’ai l'impression d’être utile.

Benjamin Michel
© DR

"Pour le bien-être professionnel, ça vaut peut-être la peine de se sentir utile - et ceci, à faible coût." - Dr Benjamin Michel, médecin généraliste et médecin vigie à Namur.

Par ailleurs, le réseau est très réactif, il prend en considération les questions et les remarques formulées par ses membres. Par exemple, quand j'ai commencé, le formulaire sur les IST n’était pas adapté pour certaines situations, je l’ai signalé par mail et très rapidement, ils l’ont modifié.

Quant aux points négatifs, je ne vois que le temps et l’énergie nécessaires pour faire les frottis grippe. Il y a un peu de logistique et il faut un peu d’organisation, notamment pour mettre le patient à l’aise, etc. Pour moi, c'est le seul point négatif. Mais j’insiste, ce n’est qu’une partie de notre mission et ce n’est pas obligatoire.

Après, j’ai un profil particulier, je suis un jeune médecin et je n’ai pas encore énormément d’habitudes, donc il est facile pour moi d’en développer de nouvelles. Je pensais que ce serait plus pénible or, en pratique, c’est faisable. D’ailleurs, c’est moi qui ai proposé à mes collègues de la maison médicale où je travaille de rejoindre le réseau.

Que diriez-vous à d'autres collègues pour les convaincre de devenir médecin vigie ?

Je dirais simplement qu’il ne faut pas avoir peur, que ça ne prend pas beaucoup de temps et que ça a un impact. Dans une société où il est parfois difficile d’organiser des actions de prévention en santé, d’avoir des actions de santé publique efficaces, il ne faut pas sous-estimer le rôle qu'on a en tant que médecin généraliste. D’autres pays en Europe ont plus cette culture que nous d’utiliser la première ligne comme moyen de prendre le pouls de ce qui se passe au sein de la population.

Je leur dirais de ne pas avoir peur d’essayer parce qu'on peut se dire que c’est encore un truc en plus, mais en fait c'est relativement facile à mettre en place sans prendre beaucoup de temps. Pour le bien-être professionnel, ça vaut peut-être la peine de se sentir utile et ceci, à faible coût.

C'est une question d'organisation parce que ce qui me pèse au niveau administratif c'est quand je dois remplir des certificats, quand je dois écrire des courriers, cliquer sur des cases pour aller rechercher des documents dans le logiciel médical pour les lier entre eux etc. Des choses qui prennent beaucoup de temps, avec parfois plusieurs demandes par semaine…

Ici, ça n’a rien à voir, ça prend une minute, il n’y a pas dix cases à remplir. Et puis c'est un choix personnel, donc ça paraît moins pénible.

Ces projets sont terminés mais auriez-vous été intéressé de participer à la collecte de données sur les chutes chez les personnes âgées ou les psychotropes ?

Bien sûr ! C'est tellement précieux, ce sont des sujets très pertinents. On voit en médecine générale à quel point nos patients font des chutes à la maison, à quel point c'est difficile de se débarrasser de la dépendance aux psychotropes. Par conséquent, pouvoir aider le pouvoir public à mieux comprendre la situation, ça fait tout son sens. Si on est tenu au courant des résultats de ces évaluations, ça nous permet dans nos pratiques d’agir à petite échelle. Je trouve ça très intéressant.

Après un an, vous êtes donc prêt à poursuivre cette expérience en tant que médecin vigie ?

Oui, tout à fait. Je dirais aux confrères d’oser essayer. Au départ, j'ai un peu hésité, par rapport à la charge de travail et administrative, parce que j’ai d’autres projets à côté. Et la réalité, après un an, c’est que ça se passe bien et les semaines où je suis vraiment débordé, je fais moins de frottis grippe. C’est pas grave si à certains moments, je suis un peu moins actif. Tant que ça continue comme ça, je peux continuer encore longtemps !

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Écrit par Laurent Zanella

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