Institut de médecine tropicale
Les résidus d'antibiotiques dans les aliments favoriseraient la résistance bactérienne
Une étude de l'Institut de médecine tropicale (IMT) publiée dans la revue Scientific Reports indique que les résidus - aux seuils légalement autorisés - d'antibiotiques dans l'alimentation participeraient à l'émergence de résistances.
De petites quantités d'antibiotiques utilisés dans l'élevage et l'aquaculture peuvent se retrouver dans notre alimentation, en principe dans les limites légales maximales de résidus (LMR). Ces seuils sont basés sur la dose journalière admissible (DJA), c'est-à-dire la quantité d'antibiotiques pouvant être consommée quotidiennement tout au long de la vie sans danger pour la santé. Mais...
Une nouvelle étude de l'Institut de médecine tropicale (IMT) montre cependant que ces doses autorisées peuvent être dangereuses. Non pas parce qu'elles sont toxiques pour l'humain, mais parce qu'elles favorisent l'émergence de résistances bactériennes. Les résultats ont été publiés ce 7 octobre dans la revue Scientific Reports (en open access).
Escherichia coli fait de la résistance
Dans le cadre de l'étude clinique, 20 volontaires en bonne santé ont reçu chaque jour, pendant quatre semaines, la DJA de la classe d'antibiotique largement utilisée 'ciprofloxacine'. Un groupe témoin de dix participants a reçu un placebo.
Les résultats sont clairs, soulignent les chercheurs: la quantité d'antibiotiques actuellement autorisée dans les aliments a provoqué l'apparition de bactéries résistantes aux antibiotiques chez les participants. Les chercheurs ont observé l'émergence d'une résistance dans la bactérie intestinale très répandue Escherichia coli.
"Après 27 jours, les E. coli des personnes ayant reçu de la ciprofloxacine, mais pas celles ayant reçu le placebo, présentaient une sensibilité réduite à la ciprofloxacine", écrivent les chercheurs.
"Il s'agit de la première étude visant à évaluer les effets des doses journalières admissibles (DJA) d'un antimicrobien chez l'être humain. Malgré la petite taille de l'échantillon, nous avons trouvé des indications selon lesquelles la consommation de doses ADI de ciprofloxacine entraîne une réduction de la sensibilité d'E. coli à la ciprofloxacine", indiquent les chercheurs.
À noter que la dose de ciprofloxacine utilisée dans l'étude était environ 1.000 fois moindre que la dose thérapeutique classique.
Le microbiome perturbé
De plus, le microbiote intestinal a été perturbé: certaines espèces bénéfiques ont diminué, tandis que d'autres ont augmenté. "Des recherches antérieures avaient déjà montré que l'usage d'antibiotiques dans l'élevage et l'aquaculture pouvait générer des bactéries résistantes, qui sont ensuite transmises à l'homme. Notre étude met en évidence une cause plus directe: même de petites traces d'antibiotiques dans notre alimentation peuvent rendre résistantes les bactéries naturellement présentes dans notre organisme", explique le Pr Chris Kenyon.
L'étude montre des modifications dans des voies de régulation, actives notamment au niveau de la composition en acides gras, "influençant ainsi la fluidité membranaire, la signalisation cellulaire et l'homéostasie lipidique globale".
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Déterminer les doses réellement sûres
Et les chercheurs d'alerter - tout en soulignant les limites de leur étude, notamment au niveau du faible nombre de volontaires testés - que les réglementations actuelles en matière de sécurité alimentaire ne tiennent pas suffisamment compte de cet aspect.
"Bien que les causes soient probablement multiples, nos résultats concordent avec l'hypothèse selon laquelle les antimicrobiens à faible dose présents dans les aliments jouent un rôle. Par conséquent, les conclusions de notre étude incitent à mener d'autres études afin de déterminer de manière plus précise les concentrations sûres d'antimicrobiens dans les aliments", concluent-ils