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Bourse : une préférence pour l’Europe

Le Vieux Continent affiche des signes encourageants de redressement, quoiqu’encore timide, tandis que l’Amérique est assez nettement en phase de ralentissement. Mais pas au point de lâcher ses grandes valeurs technologiques !

Europe nuit

Comme l’an dernier, Le journal du Médecin s’est glissé parmi les professionnels du conseil en placements venus assister à la présentation de la maison Lazard, plus précisément de sa branche asset management, c’est-à-dire gestion d’actifs. Caractéristique : au niveau des clients particuliers, ses fonds sont essentiellement distribués par des courtiers indépendants, plutôt que par des banques de détail.

Les Etats-Unis s’essoufflent…

Responsable de la recherche et de l’allocation d’actifs, Julien-Pierre Nouen souligne d’emblée un élément positif concernant les États-Unis : les droits de douane imposés par Donald Trump s’avèrent finalement un tiers moins élevés que prévu, soit quelque 12 % au lieu des 18 % estimés. Contrairement aux stocks constitués avant les droits, ou encore aux marges bénéficiaires un peu rabotées par les entreprises, c’est un élément pérenne. Pour autant bien entendu que le locataire de la Maison Blanche ne fasse pas de surenchère à l’encontre de certains pays. La menace inflationniste serait donc moindre que beaucoup le craignaient, ou le craignent encore.

Du côté négatif par contre, c’est clairement l’emploi qui est en panne. Le taux de chômage demeure modeste, à 4,4 %, un taux que de nombreux pays européens envieraient ! Mais les créations d’emplois sont en berne, comme en témoignent les chiffres parfois catastrophiques des derniers mois. On est grosso modo passé de la tranche 100 à 150.000 emplois créés par mois, à la tranche 0 à 50.000, situe J-P Nouen. Ceci participe à la forte décélération de l’économie américaine : Lazard table sur une croissance de 1,5 % à peine dès cette année, contre une moyenne historique de 2,5 à 3 %.

… et l’Europe accélère

Scénario inverse de ce côté-ci de l’Atlantique : les fameux indices PMI (Purchasing Managers Index), qui sont considérés comme une excellente prévision du moyen terme, se redressent depuis le début de l’été. On ne versera pas dans l’euphorie pour autant : ce rebond devrait mener à une croissance économique de l’ordre de 1 % sur le Vieux Continent, encore inférieure donc à la « faible » croissance des États-Unis ! L’essentiel pour Lazard est que, tant la faiblesse américaine que le meilleur tonus européen perdureront quelque peu. Car si l’Europe souffre inévitablement des tarifs douaniers américains, c’est sans commune mesure avec le soutien apporté par les plans d’investissement européens en général et allemands en particulier. C’est la demande intérieure qui soutient l’économie européenne, et la soutiendra assez durablement, ce qui constitue un élément important dans un contexte international incertain. D’où l’accent mis sur les entreprises « locales », c’est-à-dire vendant en Europe plutôt qu’ailleurs dans le monde

Quand on tient compte, en plus, de la faiblesse peut-être durable du dollar (exprimée en euro, la performance 2025 de Wall Street n’était que de 5 % à fin octobre, soit un tiers de celle des bourses européennes), il n’est pas vraiment étonnant que François Roudet, numéro 2 du département actions, donne une claire préférence aux valeurs européennes : pas moins de 35 % pour ces dernières, contre 47 % pour les américaines. C’est plus pour ces dernières, c’est vrai, mais c’est beaucoup moins que leur poids dans l’indice mondial MSCI World : il dépasse 70 % ! L’Europe au contraire, qui ne pèse que 18 % de cet indice mondial, est donc reprise par Lazard pour presque le double.

La techno demeure favorite

On relève avec intérêt que le gestionnaire français garde sa confiance dans les grandes valeurs technologiques américaines, avec Microsoft, Alphabet, Nvidia, Amazon et Apple en tête. Car si ces entreprises sont chères, elles ne le sont « pas trop », estime-t-il, compte tenu de la robustesse de leurs résultats. Ce sont les sociétés moins importantes et moins solides qui nourrissent une certaine défiance à l’égard de la bourse américaine.

Secteurs préférés en Europe : la banque et la santé. Certes, les actions bancaires se sont fort appréciées cette année (+43 % à fin octobre), sur la lancée des années précédentes, mais elles restent attrayantes. Leur rapport cours/bénéfice moyen a simplement retrouvé sa moyenne des dix dernières années, à un peu moins de 10. Favorite : Banco Santander. C’est au contraire sa très mauvaise performance qui rend les valeurs de santé attrayantes, estime Lazard. C’est que les éléments négatifs en provenance des États-Unis, pays qui accapare 40 à 50 % des ventes du secteur pharmaceutique européen, n’ont pas manqué : droits de douane, volonté de faire baisser les prix de vente, chute du dollar. Conséquence : le rapport cours/bénéfice (C/B) du secteur s’est stabilisé aux environs de 16, contre une moyenne historique de l’ordre de 18 sur les 10 dernières années.

Attention à la Chine !

Les avis des analystes et gestionnaires sur les actions chinoises sont souvent très contrastés. Ceux de Lazard sont de ceux qui se montrent circonspects. Tandis que les relations commerciales avec les États-Unis se détendent, la chute des investissements dans l’immobilier se poursuit et un déclin se manifeste dans le secteur manufacturier. Pas vraiment étonnant quand on sait que le pays souffre de graves surcapacités. Cas extrêmes : les fabricants chinois de panneaux solaires pourraient produire… une fois et demie la demande mondiale. Résultat : des guerres de prix, au détriment de la rentabilité.

Comme d’autres gestionnaires d’actifs, Lazard fait au contraire la part belle aux actions japonaises. Elles continuent de bien performer : +12 %, en euro, sur les 10 premiers mois de l’année. Et la tendance devrait se poursuivre, y compris grâce à l’appréciation attendue du yen, devise aujourd’hui « largement sous-évaluée ». Les actions japonaises ne représentent en direct que 3 % environ des actifs gérés par la maison, qui triple en réalité cette proportion au moyen de produits dérivés, souligne F. Roudet. C’est ce qu’on appelle une gestion à la fois prudente et dynamique !

Un fonds pour financer… des procès

Les fonds axés sur le rendement ne se contentent pas tous d’investir en obligations d’entreprises et en actions payant des dividendes élevés. Certains ont élargi leurs horizons à des domaines parfois surprenants, une démarche qui s’est accentuée lorsque les taux d’intérêt étaient au plancher, au début des années 2020. Une diversification fréquente, devenue classique : la dette privée, c’est-à-dire des obligations non cotées. Elles financent tant des entreprises que des infrastructures telles qu’autoroutes, aéroports, voire ouvrages d’art ou écoles. Le fait de n’être pas cotées signifie que ces obligations doivent offrir une prime d’illiquidité, qui en accroît donc le rendement pour l’investisseur.

Plus surprenants et complexes sont les financements de la recherche et surtout des procès ! Alors que plusieurs grands fonds s’y diversifient, IVO Capital Partners, petit gestionnaire indépendant fondé en 2012 et basé à Paris, vient de lancer son quatrième fonds spécifiquement axé sur cette activité, appelée financement des contentieux en français et litigation finance en anglais.

Comment la présente-t-il ? Les explications de Sidney Oury, co-fondateur de l’entreprise : « C’est une activité issue du monde anglo-saxon, actuellement en plein essor en Europe. Elle consiste à financer les frais d’avocats, de procédure et d’expertise, en relation avec un procès ou un arbitrage. Ces contentieux sont des actifs des entreprises, qui peuvent générer de la valeur. Le financeur apporte des capitaux, en échange d’un droit sur le résultat, calculé sur les dommages et intérêts perçus ».

Ce financement évite aux entreprises de mobiliser des fonds propres et leur permettent éventuellement de lutter à armes égales avec un adversaire plus puissant, sur les plans financier et juridique. Outre un rendement plus que satisfaisant de l’ordre de 8 à 12 % par an, l’intérêt principal pour l’investisseur est sans doute que cette classe d’actifs est totalement décorrélée de la conjoncture économique et de l’évolution des marchés financiers. Elle a donc valeur d’amortisseur en cas de krach boursier par exemple, comme l’or. Les litiges étant très différents les uns des autres, le fonds présente par ailleurs une belle diversification. Cela va en effet de la rupture abusive de contrat à la violation de brevets, en passant par les ententes frauduleuses et les actions collectives, ces dernières ayant été facilitées par l’Union européenne.

G.L.

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Écrit par Guy Legrand1 décembre 2025
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