
La santé belge, c’est comme un meuble Ikea qu’on essaie de monter à huit, sans manuel, avec chacun son boulon et son idée. Le résultat tient à peu près debout, mais il reste toujours une pièce en trop, et une jambe qui vacille.
© Getty
Soigner le système ou soigner les querelles ?
Le Conseil général de l’Inami qui publie un plan ambitieux sur une législature autour de cinq objectifs de santé, une centaine de professionnels de la première ligne réunis à Namur autour de la multidisciplinarité,… En apparence, tout roule. En tout cas, sur le papier, tout avance dans le bon sens. L’Inami balise, la PPLW fédère, les autorités saluent. On pourrait presque se détendre. Mais, non – ce serait trop simple ! –, la santé belge, c’est comme un meuble Ikea qu’on essaie de monter à huit, sans manuel, avec chacun son boulon et son idée. Le résultat tient à peu près debout, mais il reste toujours une pièce en trop, et une jambe qui vacille.
On nous parle de « première ligne renforcée », de « données structurées », de « prévention active ». Très bien. Mais combien de fois a-t-on vu les mêmes intentions finir au fond d’un tiroir ministériel, à côté du plan e-santé de l’année dernière et de la circulaire jamais appliquée ? Le saupoudrage, on connaît. Cette fois, le plan de l’Inami semble vouloir y mettre fin. Une vraie priorisation, une structure, une colonne vertébrale. Sur le papier, c’est cohérent. Mais seul l’avenir dira si ça tiendra debout dans les faits.
Car la vérité, c’est que le système ne craque pas seulement sous la pression des besoins. Il vacille aussi sous le poids des egos : ceux des professions, bien sûr, mais aussi ceux, plus discrets, de celles et ceux qui tiennent la main sur tel ou tel levier, et ralentissent les dynamiques simplement parce qu’elles ne viennent pas d’eux. Le pouvoir de freiner est souvent plus utilisé que celui d’avancer.
Il est temps d’en finir avec ces guerres de tranchées : entre médecins et pharmaciens, entre métiers et niveaux de pouvoir, entre fédéral et régions. La santé ne se réforme pas par silos ou par bastions. Elle se reconstruit ensemble, ou elle se délite pour tous.
C’est d’autant plus important à souligner qu’il y a un momentum. Pour une fois, les mots ne sont pas que des slogans. L’Inami trace un cap, la première ligne prend enfin le devant de la scène, les acteurs locaux s’organisent. On a rarement vu autant d’alignement. Mais un alignement, ce n’est pas encore une action. Ce moment est fragile. Il peut devenir fondateur. Ou s’éteindre, comme tant d’autres avant lui.
Alors non, ce n’est plus le moment des luttes de pouvoir. C’est le moment de construire. Ensemble. Ou pas du tout.