L’immunité au défi de la rentrée
Reprise du rythme métro-boulot-dodo, fatigue persistante, premiers rhumes : septembre est une période charnière pour le système immunitaire. Ici aussi, le pharmacien est un acteur clé de la prévention, capable d’identifier les profils à risque, d’orienter vers des solutions adaptées et de sensibiliser à l’hygiène de vie.

À la rentrée, l’organisme subit un véritable choc physiologique : le changement de rythme (sommeil, alimentation, stress), la reprise des contacts sociaux, l’exposition accrue à des agents pathogènes en milieu collectif… Tous ces facteurs peuvent perturber l’homéostasie immunitaire. Résultat : rhumes, angines, poussées d’herpès, troubles du sommeil voire infections urinaires peuvent resurgir. Cette vulnérabilité immunitaire offre au pharmacien une opportunité d’intervention précoce.
Lien stress-immunité
Le stress a un impact significatif sur le système immunitaire, affectant la susceptibilité à la maladie et la santé globale. Une récente revue de la littérature[1] a examiné la relation complexe entre le stress et le système immunitaire. Elle montre que si le stress aigu peut temporairement renforcer l'immunité, en revanche, le stress chronique provoque une augmentation des niveaux de cortisol à travers l'axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HPA), supprimant finalement la réponse immunitaire.
Cette revue indique aussi que les cellules immunitaires expriment les gènes différemment en réponse au stress, ce qui suggère des variabilités individuelles dans la réponse immunitaire contre le stress et souligne la nécessité d'une approche personnalisée pour le gérer.
Par ailleurs, le retour des enfants à l’école contribue aussi à la circulation de virus respiratoires, gastro-intestinaux ou cutanés, exposant toute la famille, et en particulier les personnes âgées ou immunodéprimées, à un risque accru d’infections.
Au comptoir, quelques questions simples aideront à orienter le conseil, tout en identifiant d’éventuels signes de pathologies sous-jacentes (dépression saisonnière, carence sévère...) : « Tombez-vous souvent malade à cette période de l’année ? », « Depuis combien de temps vous sentez-vous fatigué ? », « Avez-vous des enfants scolarisés ou des contacts avec de jeunes enfants ? », « Suivez-vous un traitement chronique pouvant affecter l’immunité (corticoïdes, immunosuppresseurs, chimiothérapie) ? »…
Sensibiliser aux gestes de base
Même si la promotion de l’immunité passe souvent par une cure ciblée, elle ne peut faire l’impasse sur la sensibilisation à l’hygiène de vie. Les conseils de base viseront une alimentation équilibrée et diversifiée, la pratique d’une activité physique modérée et un sommeil de qualité.
Pourquoi conseille-t-on de dormir au moins sept heures par nuit ? Parce que le sommeil aide entre autres à maintenir l’efficacité des différentes composantes du système immunitaire telles que les lymphocytes T, les cytokines et les cellules tueuses naturelles (NK). Ces dernières, avec les lymphocytes T, sont par exemple capables de reconnaître et de détruire les cellules infectées par des virus et les cellules tumorales.
Ainsi, selon une étude américaine[2], dormir moins de six heures par nuit multiplie par 4 le risque de tomber malade après une exposition à des virus. Pour ces chercheurs, « le manque de sommeil est l’un des principaux facteurs permettant de prédire dans quelle mesure une personne est susceptible d’attraper un rhume, quel que soit son âge, son niveau de stress, sa race, son niveau de scolarité ou son statut tabagique ».
Dis-moi ce que tu manges…
Enfin, la question de l’alimentation mérite qu’on s’y attarde, d’autant que la dernière enquête sur la consommation alimentaire menée par Sciensano[3] montre qu’une grande partie de la population ne consomme pas suffisamment de vitamines et de minéraux clés, notamment les vitamines A, B2, B6, B12 et C, les folates, le calcium et le fer. Les carences en fer sont particulièrement fréquentes chez les enfants et les adolescentes.
Globalement, par rapport à la précédente enquête conduite il y a dix ans (2014-2015), l’apport moyen en vitamines A, B2, B12, C, et en calcium provenant de l’alimentation a diminué. Dans le même temps, plus de la moitié de la population consomme trop de sodium provenant des aliments, sans compter le sel ajouté lors de la cuisson ou à table.
« Ces tendances reflètent des habitudes alimentaires plus larges, observe Sciensano : trop peu de gens mangent suffisamment de légumes, de fruits, de produits laitiers et d’autres aliments riches en nutriments qui fournissent ces vitamines et minéraux essentiels. (…) Une balance alimentaire variée est la clé pour nous fournir les vitamines minéraux nécessaires à une bonne santé. » Rappeler ces notions au comptoir est aussi important que de délivrer un complément, certains patients étant davantage réceptifs à un conseil concret qu’à un produit.
[1] J Clin Med. 2024;13(21):6394
[2] Sleep 2015;38(9):1353-9
[3] « Sciensano : Enquête de consommation alimentaire 2022-2023 »
Oligoéléments clés dans la réponse immunitaire
À côté de la vitamine D, dont la carence est associée à une susceptibilité accrue aux infections respiratoires, et de la vitamine C qui agit comme un antioxydant et contribue à la fonction normale des cellules immunitaires, deux oligo-éléments jouent un rôle important dans la lutte contre les infections, le zinc et le sélénium.
Le zinc est indispensable à la modulation immunitaire. Cependant, si la carence aiguë en cet élément entraîne une diminution de l’immunité, innée et adaptative, la carence chronique augmente l’inflammation.[1]
Au cours des 50 dernières années, les preuves se sont accumulées pour démontrer l’activité antivirale du zinc contre une variété de virus tels que ceux de l’herpès simplex et du rhume. Il reste néanmoins beaucoup à apprendre concernant les mécanismes antiviraux et les avantages cliniques de la supplémentation en zinc en tant que traitement préventif et thérapeutique pour les affections virales.[2] Ces propriétés expliquent aussi pourquoi on s’est particulièrement intéressé à cet oligo-élément pendant la pandémie du covid-19. Quoiqu’il en soit, le Conseil supérieur de la santé recommande de majorer son apport chez les végétariens et en particulier chez les végétaliens stricts.[3]
Le sélénium, naturellement présent dans l’alimentation (poisson, fruits de mer, viande, céréales, produits laitiers et œufs), exerce un effet stimulant sur l’immunité. Le CSS[3] estime que le statut en sélénium de la population belge n’est pas particulièrement bas. « Le facteur crucial qui doit être souligné en ce qui concerne les effets du sélénium sur la santé est le lien en forme de U avec le statut ; alors qu'une consommation supplémentaire de sélénium peut bénéficier aux personnes ayant un statut bas, ceux qui ont un statut adéquat à élevé pourraient être affectés négativement et ne devraient pas prendre de suppléments de sélénium. » [4]
M.V.
[1] Autoimmun Rev 2015;14(4):277-85
[2] Adv Nutr 2019;10(4):696-710
[3] CSS avis N°9285
[4] Lancet 2012;379(9822):1256-68